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dimanche 11 octobre 2015

chambre 302


elle lui dit « souris-moi » quand il vient la voir
depuis son appartement 139, elle chambre 302

il dit qu'il ne peut pas lui sourire
parce qu'il voudrait être tout entier sourire
quand il la retrouve

elle s'en fiche un peu de ce qu'il dit
elle voudrait plutôt qu'il arrête de la houspiller
et de l'envoyer à l'autre bout de la ville
chercher des clous et des pointes
qu'il ne peut plus pointer et pour quoi ? Il met trois heures pour se hisser sur un escabeau
il voudrait conduire sa voiture aller voir la mer il fait à peine trois pas seul et s'essouffle

et quand je lui parle à lui à qui je parle ? quand d'un coup d'aile il dérive
et ne me reconnaît plus et me confond il ne sait plus avec qui
il a perdu ses clefs et ses carnets d'adresse et les feuilles jaunes de l'annuaire
il dit que ça va mieux et qu'il a hâte de retourner là-bas, ici avec elle et qu'ils retrouveront un peu de paix

elle se trouve assez bien chambre 302 il ne la fatigue plus elle l'aime mais c'est la fin quand même
ç'aurait été bien qu'elle parte d'un seul coup et lui de chagrin il serait mort
elle rit
alors je lui dis qu'en prime j'aurais peut-être écrit un beau poème !
Elle rit

et j'oublie de lui téléphoner à lui après ma visite à elle
des femmes de ménage passent, une infirmière, la porte est toujours ouverte
je vois les cernes sous les yeux les tâches sur la chemise, les mains violettes de sang les yeux durs et des corps qui s'épuisent à juste rester en vie un peu juste un peu encore

une fois encore elle a ressuscité une fois encore j'ai cru la perdre
c'est étrange cette vieillesse qui n'en finit pas et qui les vide, lui et elle, de quelque chose
qu'ils étaient
pas forcément aimable pas toujours aimé difficile difficile à vivre entre mes mains
mais quelque chose qu'ils étaient et qui se délite
sous leurs yeux
en regardant recouvrance et hier et quoi devant ?




7 octobre 2015


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