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mercredi 4 février 2015

le Poétisme : premier rouleau trouvé au lieu-dit Kerivoret

Le Poétisme est la quatrième Religion révélée. Contrairement à ses avatars (les 3 religions monothéistes connues à ce jour), le Poétisme est une Religion moderne. Certains disent qu'il est la forme achevée de toutes les tentatives sacrées précédentes. Le Poétisme a longtemps été déguisé sous la forme païenne de poésie, afin de se propager discrètement par rhizomes chez les plus attentifs d'entre nous. Le Poétisme apparaît enfin au grand jour grâce à quelques gardiens courageux qui nous livrent ici des extraits du Texte Inspiré, reçu en rêve et retranscrit à l'aube, par un Anonyme, vraisemblablement dans la dernière moitié du siècle dernier.
Certains ne manqueront pas de considérer le Poétisme comme un blasphème vis-à-vis des autres religions ou comme une pantalonnade ou la preuve digne de carabins, que l'on peut créer une religion de toutes pièces et faire feu de tout bois. Ceci explique pourquoi le Poétisme a été tenu secret pendant des années. Il a souterrainement gagné en Force et ne craint plus, en ce jour, les calomnies. On remarquera que comme dans les trois Grandes religions précédentes, les constantes sont les mêmes en ce qui regarde le Pouvoir, les femmes et l'Univocité malgré les paradoxes inhérents à Toute Vérité.

Aujourd'hui, espérons que chacun ait le courage de recevoir Le Verbe... D'autres versets seront semble-t-il mis à jour prochainement.

Que le Souffle Puissant de la Parole Chasse les Miasmes démocratiques et assoie Son Pouvoir dans les corps et les âmes pour les siècles à venir.

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premier rouleau trouvé au lieu-dit Kerivoret

Versets, blasons, hymne



du langage

celui qui use du langage d'une façon vulgaire ou de la prose
pour autres paroles que les nécessaires aux tâches quotidiennes
celui-là aura la langue arrachée
et les lèvres du haut cousues


il n'y a qu'un seul Dieu sur la Terre et au Firmament
dans les Abysses et les Nuées
un seul Geste, une seule Voix, un seul Chemin
il n'y a qu'une seule et simple Vérité : la Poésie


désormais vous fracasserez vos idoles
burins, pinceaux et brosses, archets, ballerines,
moissonneuses batteuses, mixers et tournevis
clés USB, 3G, disques externes, aspirateurs


désormais
celui qui travaille la terre pour nourrir ses compagnons
s'il ne la célèbre par un sonnet
il la mâchera par poignées à s'en étouffer


celui qui pêche les poissons, les congèle, les sale ou les met en conserve
s'il ne le conte à la façon d'un impromptu
qu'il râle et s'étrangle d'une arête


celui qui pilote les avions du ciel ou les navettes ou les fusées
s'il revient de ses voyages sans une ligne d'épopée
qu'il soit transformé en corbeau noir et freux


celui qui répare les automobiles, les moteurs de toutes les machines
et le plombier, le frigoriste, celui qui installe les lignes électriques
ceux-là qui passent leurs jours dans les ateliers, sur les bords des routes et creusent des tranchées
s'ils ne savent choisir entre un pantoum ou bien un virelai
qu'ils soient maudits sur 7 générations et contraints
d'écrire quatre lignes en rimes embrassées à chacun de leurs jours


l'élève qui apprend de son maître
s'il ne lui rend hommage par savant acrostiche
il recevra 100 coups de fouets en place publique
pour abus d'absence poétique



car la Poésie est Tout
la Poésie est Grande
Elle seule peut nous sauver, véritablement
la Poésie est Grande !




du Poète

si comme les souris de vos granges vous ne savez que chicoter
si mécontents vous râlez grognez réclamez hurlez
si philosophes vous utilisez la raison la forme rhétorique
si vous vous rendez coupable de bavardage et de conversations et d'arguments
alors vous utilisez le langage comme un pépiement de pinson, bec ouvert sur le néant
la Poésie vous déserte, Elle est sortie de votre âme et de votre chair
et vous employez les mots du commun et des mortels et des langues quotidiennes
alors Votre Dieu, vous Le rendez malade et blême, aphasique, enroué
alors Il vous punira d'un tel blasphème

car vous outragez la Beauté, les Fleurs en suspension, l'histoire alexandrine, le Verbe haut tonitruant Mâle et Parfait, le Rose bonbon, le Chant des sphères et l'Immaculée perception



Le Poète vous montre du doigt et tonne sur vos têtes !

tombez à genoux devant la Poésie
tournez trois fois dans votre bouche la salive
avant que de parler
parmi les vocables choisissez dans la poussière
les rimes riches et les sons audacieux
parlez d'or et d'argent et de myrthe
chantez les flots les ondes et les mythes
et la vie terre à terre apprenez à la taire
à l'enfouir sous les couvercles et sous les voiles
comme femme infidèle et rebelle



sur vos basses sensations et vos vils sentiments
qui animent vos nuits et vos journées
jetez la cendre du feu du seul Dieu
et sur la misère fermez les yeux sur la faim et l'injustice

car pour qui croit dans la Poésie – louée soit Elle !
il n'y a pas d'injustice
ni misère ni faim
la Poésie est notre Nourriture, notre Vigie et notre Règle
celui qui croît en Poésie ne manque de rien, ne connaît nul tort et nul tourment
celui-là est un Seigneur de Guerre qui massacre en chantant
Il avance sur les champs de bataille les Odes plein la gorge
et connaît les Vérités octosyllabiques et les Mystères apocopes



si un enfant vous supplie de lui donner à manger
apprenez-lui à rimer
enseignez-lui le Beau Langage
frappez-le pour son babillage
sa pauvreté vernaculaire

si un mendiant vous tend la main
élevez-le à hauteur de Verbe
tournez-lui un leste compliment
versez dans sa sébile
de quoi tourner sa propre idylle


car le Poète est le Prophète, le Poète est l'Enseignant
de sa baguette Il frappe les esprits et les mollets
il redresse les dos les mots essuie la morve et le créole
enferme la langue utile dans les pots de chambre et de cuisine
impose la Beauté l'énigme ésotérique assemble les images
et tresse sur vos crânes la Flamme Unique du Dit Contrapunctique

de l'amour

ceux qui aimeront telle des bêtes
sans paroles articulées
sans poèmes et sans lyres
ceux qui trahiront l'amour de loin, le courtois, le douloureux
sans trousser nul épithalame ni madrigal
l'homme on le jettera aux chiens ou dans une geôle
offerts aux crachats des passants des rues
la femme, à défaut d'avoir été la Dame ou la Muse
on fera de son corps l'amusement des passants
ces deux-là ont trahis la haute valeur de l'amour et des romances
que le Poète chante, pleure et ensemence
ces deux-là ont comme les bêtes forniqué, joui, batifolé
en coïtant sans bouts-rimés
on leur arrachera le cœur
à la femme on couturera les lèvres du bas
et à l'homme on lui tranchera le membre
qu'ils apprennent la beauté des plaintes et des douleurs
la pleine beauté du Chant et l'eunuque Cristal des voix


des femmes

le Poète est Homme
la femme ne peut être poète, ses formes, son ventre, ses seins, ses fesses
sont manifestations charnelles et ne sont pas le miroir du Verbe et de l'Âme
la femme, si elle est jeune, nue et si ses cheveux tombent en cascade sur ses reins
la femme sera nymphe, égérie, muse
muette
la femme crue est proche des chevaux
le Poète la domptera et l'accrochera dans les nuées parmi les étoiles inatteignables, lointaines et mortes
le Poète chantera la Femme
et les femmes qui auront vieilli, qui seront ridées ou les bossues, les ventrues, les femmes à poils et à la langue pendue, ces femmes prosaïques
le Poète ne peut les chanter car le Poète ne chante que la beauté la Splendeur et l'Amertume des Joies
alors elles seront reléguées sous des draps des voiles et du sable jusqu'à la fin de leurs jours


de la Poésie

vous ne connaîtrez qu'une seule référence, la Poésie
devant Elle seule vous ferez révérence


il y eut dans l'histoire, de faux dieux et nombre d'impostures
Clio, Calliope et Melpomène furent d'antiques erreurs
Polymnie , Erato et Orphée, sous le joug d'Apollon
ne sont que figures de style, épiphénomènes
multitudes païennes sans ordre et sans églises
bonbons sirupeux, friandises
quand le Dieu Poésie brandit le Verbe et le Glaive
pour apprendre aux humains la Parole Souveraine

tout le reste n'est qu'activités d'êtres rampants
paroles dévoyées, abécédaires quotidiens, alphabets utiles

désormais pour dire la pluie vous parlerez d'ondées
et pour dire le soleil vous parlerez d'astre du jour


pour évoquer la crasse et le mal et la pauvreté
ouvrez vos dictionnaires de rimes, Bible du Croyant, Livre du Sacré
habillez le réel de bandelettes allégoriques
suivez les prêtres de la Rime, leurs processions métaphoriques
apprenez à déclamer plutôt qu'à ressentir,
à bel et bien parler plutôt qu'à réagir
à vous bien lamenter plutôt qu'à résister

vos enjambements ne seront point postures érotiques
et vos rejets ne naîtront ni de nausées ni de rancœurs
car je vous le dis, Seul est Maître le Verbe
de vos vies de vos désirs de vos envies
vos membres auront l'élégance de phonèmes et d'ellipses
votre haleine le parfum de strophes bucoliques


des autres arts

celui qui crée ou fabrique des images
celui-là, qu'on lui brûle les yeux

celui qui se sert de son corps pour danser
on lui sectionnera les pieds

celui qui modèle, sculpte la terre, la pierre, le métal et le marbre
toute chose donnée brute
il aura les doigts de ses mains coupés

celui qui crée la musique à l'aide d'instruments
autres que sa voix
celui-là on frappera l'enclume de ses oreilles
jusqu'à ce qu'il n'entende


car il n'est de Sens que le Vers


car à Dieu vous ne devez vous adresser
que par invocation ou apostrophe
ce qui de vos lèvres sort doit être florilège
et ce Dieu dont le Nom est Innommable
et qu'un code secret baptise Poète
adorez-le sans Le voir et sans Le montrer
soyez de vos frères et sœurs les ennemis
pour Lui être à Lui seul soumis

adorez-le !



le Poète est un homme
éphèbe ou vieillard
entre ces deux âges, le poète souffre, entend des Voix, erre, récolte la leçon
le Poète ne vient pas pour embellir vos vies
il vient pour délivrer le Message de l'Innommé
celui qui soufflète un Poète
c'est l'Innommé qu'il soufflète
celui qui du Poète se moque
est la larve immonde de son époque



Donné au monde le 29 janvier 2015

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