Le
Poétisme est la quatrième Religion révélée. Contrairement à ses
avatars (les 3 religions monothéistes connues à ce jour), le
Poétisme est une Religion moderne. Certains disent qu'il est la
forme achevée de toutes les tentatives sacrées précédentes. Le
Poétisme a longtemps été déguisé sous la forme païenne de
poésie, afin de se propager discrètement par rhizomes chez les plus
attentifs d'entre nous. Le Poétisme apparaît enfin au grand jour
grâce à quelques gardiens courageux qui nous livrent ici des
extraits du Texte Inspiré, reçu en rêve et retranscrit à l'aube,
par un Anonyme, vraisemblablement dans la dernière moitié du siècle
dernier.
Certains
ne manqueront pas de considérer le Poétisme comme un blasphème
vis-à-vis des autres religions ou comme une pantalonnade ou la
preuve digne de carabins, que l'on peut créer une religion de toutes
pièces et faire feu de tout bois. Ceci explique pourquoi le Poétisme
a été tenu secret pendant des années. Il a souterrainement gagné
en Force et ne craint plus, en ce jour, les calomnies. On remarquera
que comme dans les trois Grandes religions précédentes, les
constantes sont les mêmes en ce qui regarde le Pouvoir, les femmes
et l'Univocité malgré les paradoxes inhérents à Toute Vérité.
Aujourd'hui,
espérons que chacun ait le courage de recevoir Le Verbe... D'autres
versets seront semble-t-il mis à jour prochainement.
Que
le Souffle Puissant de la Parole Chasse les Miasmes démocratiques et
assoie Son Pouvoir dans les corps et les âmes pour les siècles à
venir.
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premier
rouleau trouvé au lieu-dit Kerivoret
Versets,
blasons, hymne
du
langage
celui
qui use du langage d'une façon vulgaire ou de la prose
pour
autres paroles que les nécessaires aux tâches quotidiennes
celui-là
aura la langue arrachée
et
les lèvres du haut cousues
Ω
il
n'y a qu'un seul Dieu sur la Terre et au Firmament
dans
les Abysses et les Nuées
un
seul Geste, une seule Voix, un seul Chemin
il
n'y a qu'une seule et simple Vérité : la Poésie
Ω
désormais
vous fracasserez vos idoles
burins,
pinceaux et brosses, archets, ballerines,
moissonneuses
batteuses, mixers et tournevis
clés
USB, 3G, disques externes, aspirateurs
Ω
désormais
celui
qui travaille la terre pour nourrir ses compagnons
s'il
ne la célèbre par un sonnet
il
la mâchera par poignées à s'en étouffer
Ω
celui
qui pêche les poissons, les congèle, les sale ou les met en
conserve
s'il
ne le conte à la façon d'un impromptu
qu'il
râle et s'étrangle d'une arête
Ω
celui
qui pilote les avions du ciel ou les navettes ou les fusées
s'il
revient de ses voyages sans une ligne d'épopée
qu'il
soit transformé en corbeau noir et freux
Ω
celui
qui répare les automobiles, les moteurs de toutes les machines
et
le plombier, le frigoriste, celui qui installe les lignes électriques
ceux-là
qui passent leurs jours dans les ateliers, sur les bords des routes
et creusent des tranchées
s'ils
ne savent choisir entre un pantoum ou bien un virelai
qu'ils
soient maudits sur 7 générations et contraints
d'écrire
quatre lignes en rimes embrassées à chacun de leurs jours
Ω
l'élève
qui apprend de son maître
s'il
ne lui rend hommage par savant acrostiche
il
recevra 100 coups de fouets en place publique
pour
abus d'absence poétique
Ω
car
la Poésie est Tout
la
Poésie est Grande
Elle
seule peut nous sauver, véritablement
la
Poésie est Grande !
Ω
du
Poète
si
comme les souris de vos granges vous ne savez que chicoter
si
mécontents vous râlez grognez réclamez hurlez
si
philosophes vous utilisez la raison la forme rhétorique
si
vous vous rendez coupable de bavardage et de conversations et
d'arguments
alors
vous utilisez le langage comme un pépiement de pinson, bec ouvert
sur le néant
la
Poésie vous déserte, Elle est sortie de votre âme et de votre
chair
et
vous employez les mots du commun et des mortels et des langues
quotidiennes
alors
Votre Dieu, vous Le rendez malade et blême, aphasique, enroué
alors
Il vous punira d'un tel blasphème
car
vous outragez la Beauté, les Fleurs en suspension, l'histoire
alexandrine, le Verbe haut tonitruant Mâle et Parfait, le Rose
bonbon, le Chant des sphères et l'Immaculée perception
Ω
Le
Poète vous montre du doigt et tonne sur vos têtes !
tombez
à genoux devant la Poésie
tournez
trois fois dans votre bouche la salive
avant
que de parler
parmi
les vocables choisissez dans la poussière
les
rimes riches et les sons audacieux
parlez
d'or et d'argent et de myrthe
chantez
les flots les ondes et les mythes
et
la vie terre à terre apprenez à la taire
à
l'enfouir sous les couvercles et sous les voiles
comme
femme infidèle et rebelle
Ω
sur
vos basses sensations et vos vils sentiments
qui
animent vos nuits et vos journées
jetez
la cendre du feu du seul Dieu
et
sur la misère fermez les yeux sur la faim et l'injustice
car
pour qui croit dans la Poésie – louée soit Elle !
il
n'y a pas d'injustice
ni
misère ni faim
la
Poésie est notre Nourriture, notre Vigie et notre Règle
celui
qui croît en Poésie ne manque de rien, ne connaît nul tort et nul
tourment
celui-là
est un Seigneur de Guerre qui massacre en chantant
Il
avance sur les champs de bataille les Odes plein la gorge
et
connaît les Vérités octosyllabiques et les Mystères apocopes
Ω
si
un enfant vous supplie de lui donner à manger
apprenez-lui
à rimer
enseignez-lui
le Beau Langage
frappez-le
pour son babillage
sa
pauvreté vernaculaire
si
un mendiant vous tend la main
élevez-le
à hauteur de Verbe
tournez-lui
un leste compliment
versez
dans sa sébile
de
quoi tourner sa propre idylle
Ω
car
le Poète est le Prophète, le Poète est l'Enseignant
de
sa baguette Il frappe les esprits et les mollets
il
redresse les dos les mots essuie la morve et le créole
enferme
la langue utile dans les pots de chambre et de cuisine
impose
la Beauté l'énigme ésotérique assemble les images
et
tresse sur vos crânes la Flamme Unique du Dit Contrapunctique
Ω
de
l'amour
ceux
qui aimeront telle des bêtes
sans
paroles articulées
sans
poèmes et sans lyres
ceux
qui trahiront l'amour de loin, le courtois, le douloureux
sans
trousser nul épithalame ni madrigal
l'homme
on le jettera aux chiens ou dans une geôle
offerts
aux crachats des passants des rues
la
femme, à défaut d'avoir été la Dame ou la Muse
on
fera de son corps l'amusement des passants
ces
deux-là ont trahis la haute valeur de l'amour et des romances
que
le Poète chante, pleure et ensemence
ces
deux-là ont comme les bêtes forniqué, joui, batifolé
en
coïtant sans bouts-rimés
on
leur arrachera le cœur
à
la femme on couturera les lèvres du bas
et
à l'homme on lui tranchera le membre
qu'ils
apprennent la beauté des plaintes et des douleurs
la
pleine beauté du Chant et l'eunuque Cristal des voix
des
femmes
le
Poète est Homme
la
femme ne peut être poète, ses formes, son ventre, ses seins, ses
fesses
sont
manifestations charnelles et ne sont pas le miroir du Verbe et de
l'Âme
la
femme, si elle est jeune, nue et si ses cheveux tombent en cascade
sur ses reins
la
femme sera nymphe, égérie, muse
muette
la
femme crue est proche des chevaux
le
Poète la domptera et l'accrochera dans les nuées parmi les étoiles
inatteignables, lointaines et mortes
le
Poète chantera la Femme
et
les femmes qui auront vieilli, qui seront ridées ou les bossues, les
ventrues, les femmes à poils et à la langue pendue, ces femmes
prosaïques
le
Poète ne peut les chanter car le Poète ne chante que la beauté la
Splendeur et l'Amertume des Joies
alors
elles seront reléguées sous des draps des voiles et du sable
jusqu'à la fin de leurs jours
de
la Poésie
vous
ne connaîtrez qu'une seule référence, la Poésie
devant
Elle seule vous ferez révérence
il
y eut dans l'histoire, de faux dieux et nombre d'impostures
Clio,
Calliope et Melpomène furent d'antiques erreurs
Polymnie
, Erato et Orphée, sous le joug d'Apollon
ne
sont que figures de style, épiphénomènes
multitudes
païennes sans ordre et sans églises
bonbons
sirupeux, friandises
quand
le Dieu Poésie brandit le Verbe et le Glaive
pour
apprendre aux humains la Parole Souveraine
tout
le reste n'est qu'activités d'êtres rampants
paroles
dévoyées, abécédaires quotidiens, alphabets utiles
désormais
pour dire la pluie vous parlerez d'ondées
et
pour dire le soleil vous parlerez d'astre du jour
Ω
pour
évoquer la crasse et le mal et la pauvreté
ouvrez
vos dictionnaires de rimes, Bible du Croyant, Livre du Sacré
habillez
le réel de bandelettes allégoriques
suivez
les prêtres de la Rime, leurs processions métaphoriques
apprenez
à déclamer plutôt qu'à ressentir,
à
bel et bien parler plutôt qu'à réagir
à
vous bien lamenter plutôt qu'à résister
vos
enjambements ne seront point postures érotiques
et
vos rejets ne naîtront ni de nausées ni de rancœurs
car
je vous le dis, Seul est Maître le Verbe
de
vos vies de vos désirs de vos envies
vos
membres auront l'élégance de phonèmes et d'ellipses
votre
haleine le parfum de strophes bucoliques
des
autres arts
celui
qui crée ou fabrique des images
celui-là,
qu'on lui brûle les yeux
celui
qui se sert de son corps pour danser
on
lui sectionnera les pieds
celui
qui modèle, sculpte la terre, la pierre, le métal et le marbre
toute
chose donnée brute
il
aura les doigts de ses mains coupés
celui
qui crée la musique à l'aide d'instruments
autres
que sa voix
celui-là
on frappera l'enclume de ses oreilles
jusqu'à
ce qu'il n'entende
Ω
car
il n'est de Sens que le Vers
Ω
car
à Dieu vous ne devez vous adresser
que
par invocation ou apostrophe
ce
qui de vos lèvres sort doit être florilège
et
ce Dieu dont le Nom est Innommable
et
qu'un code secret baptise Poète
adorez-le
sans Le voir et sans Le montrer
soyez
de vos frères et sœurs les ennemis
pour
Lui être à Lui seul soumis
adorez-le
!
Ω
le
Poète est un homme
éphèbe
ou vieillard
entre
ces deux âges, le poète souffre, entend des Voix, erre, récolte la
leçon
le
Poète ne vient pas pour embellir vos vies
il
vient pour délivrer le Message de l'Innommé
celui
qui soufflète un Poète
c'est
l'Innommé qu'il soufflète
celui
qui du Poète se moque
est
la larve immonde de son époque
Donné
au monde le 29 janvier 2015
Je me doutais, en la voyant naître en direct, que cette idée ferait son chemin...
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